Le futur du Mans se joue en terre vaudoise - article de 24 Heures

5 février 2021 On parle de nous
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Aux débuts de la locomotion «auto-mobile» – en deux mots, qui se déplaçait par elle-même – il n’était pas question de benzine. C’était il y a 150 ans et les pionniers étaient partagés en deux clans: les adeptes de la vapeur et ceux de l’électricité. On sait que les énergies fossiles ont rapidement fait prévaloir leurs atouts, avant que l’on en découvre les inconvénients. Dans les années 50, des chercheurs s’intéressent à des énergies différentes; mais dès qu’un projet prometteur apparaît – notamment aux États-Unis – le lobby du pétrole et ses soutiens politiques interviennent: les brevets sont achetés et enfouis au fond d’un coffre.

L’hydrogène au cœur de la solution


Mais le monde ne s’arrête jamais. L’augmentation exponentielle de la population, la multiplication des moyens de transport des hommes et des marchandises ont des effets destructeurs sur la planète. La prise de conscience devient bientôt responsabilité politique et après les systèmes hybrides et le «tout-électrique», l’hydrogène se retrouve au cœur, non pas du problème, mais bien de la solution: «Et le sport automobile retrouve son rôle originel: celui de terrain de recherches et de développement.» L’homme qui parle, Jean-François Weber, est un ingénieur qui a fait ses premières armes dans les motorisations traditionnelles, avant de se lancer, il y a quatorze ans, dans des recherches sur les piles à combustible. Et c’est son entreprise vaudoise, GreenGT, qui a été choisie par l’organisateur des 24 Heures du Mans, l’Automobile-Club de l’Ouest, pour motoriser le projet Mission H24, soit l’ouverture d’une catégorie de voitures à l’hydrogène en 2024.

 

De la NASA aux Hunaudières

«Il y a plus de soixante ans, les premiers vaisseaux Soyouz et les fusées de la NASA utilisaient des piles à combustible, explique Jean-François Weber. Du point de vue de l’ingénieur, il n’y avait au- cun doute: l’adaptation de cette technologie à la propulsion de vé- hicules automobiles ne pouvait que fonctionner. Mais pendant longtemps, il y a eu des réticences intellectuelles, nées de fausses idées. Quand on parlait de voi- ture à hydrogène, les gens voyaient une bombe H et étaient persuadés que tout allait exploser. Or aujourd’hui, des voitures de ce type fonctionnent, avec des autonomies de plus de 500 kilomètres.»

Mission H24, le projet du Mans, s’appuie sur des valeurs solides: la conception du châssis de la future catégorie hydrogène a été confiée à Oreca et Red Bull Ad- vanced Technologies, deux structures qui rejoignent Plastic Omnium (réservoirs) et GreenGT, fournisseur exclusif du groupe motopropulseur électrique-hydrogène: «Il n’y a pas de limites de développement de cette technologie. Lors des débuts du premier prototype, j’avais l’impression d’avoir devant moi un tracteur des années 40; là, nous en sommes aux années 60, celles des plus belles carrosseries automobiles», sourit M. Weber.

Marché planétaire

Une évolution dont peut parler le pilote français Norman Nato, l’un des testeurs: «Il y a trois ans, la plupart de mes collègues souriaient quand je leur parlais de ce projet. Mais après la moquerie est venu le temps de l’observation, puis de l’intérêt à mesure du développement.» En Chine – 100 milliards de dollars investis dans le développement de l’hydrogène – comme en Europe et aux États- Unis, les études se multiplient, car il en va d’un marché planétaire. GreenGT et les partenaires de «Mission H24» réinventent, eux, la voiture de course: «Prenez une écurie comme la nôtre, explique Esteban Garcia, le patron de Realteam. Comme les courses se déroulent toutes les deux à trois semaines, on pourrait imaginer l’installation de panneaux solaires sur les toits de nos immeubles pour produire notre hydrogène entre chaque épreuve. Nous serions ainsi 100% autonomes.»

Les rejets? «De l’eau absolument pure», sourit Jean-François Weber. Qui nous a promis de nous faire goûter.

Realteam, objectif mondial

Esteban Garcia est un entrepreneur lausannois, pilote et propriétaire d’une équipe (Realteam Racing) qui, après avoir fait ses classes en European Le Mans Series, s’attaque au championnat du monde d’endurance. Avec une voiture traditionnelle – une Oreca LMP2 – mais avec un regard tourné vers l’avenir: «Lorsque j’ai rencontré Jean-François Weber pour parler d’un projet d’utilisation poussée de l’hydrogène dans l’immobilier, nous avons découvert que nous nous connaissions depuis nos études, rigole M. Garcia.

J’adore le sport sous toutes ses formes (ndlr: il a notamment remporté le Bol d’Or en 2012, Realteam étant à la fois une structure voile et une structure automobile), mais je suis surtout conscient qu’en matière de durabilité, les bolides actuels sont une véritable «catastrophe». C’est pour cette raison que nous collaborons étroitement avec GreenGT. Cette année, je vais vivre un premier rêve d’enfant – la participation aux 24 Heures du Mans. Le suivant? Être un jour au départ de la même course avec une voiture à hydrogène.»

J.-C.S.



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